C’est l’histoire d’une photo prise en 1972. Une histoire que (presque) tout le monde connaît. Pour en garder trace ici, voici l’histoire de Phan Thi Kim Phuc brûlée par une bombe incendiaire au napalm en 1972 au Vietnam, photographiée par Nick Ut, photographe de l’Associated Press, prix Pulitzer et lauréat du World Press Photo of the year en 1973.

Le 8 juin 1972, au Vietnam, dans le village de Trảng Bàng, des enfants jouent et se font surprendre par un tir d’un avion de l’armée sud-vietnamienne. L’avion largue une bombe incendiaire bourrée de napalm sur une supposée cache de rebelles nord-vietnamiens. Le napalm brûle tout sur son passage, le gel incendiaire s’accroche aux vêtements et brûle profondément la peau. Les villageois s’enfuient sur la route, une petite fille de 9 ans – Kim Phuc, arrache ses vêtements brûlés et court, en pleurs, nue.

En face d’elle, des soldats, des journalistes, des reporters et un photographe de l’Associated Press, Nick Ut, qui prit quelques photos. La censure de la presse américaine sur les photos d’enfants dénudés en retarde la publication de quelques jours. La photo ne paraîtra dans le New York Times que le 12 juin 1972 et fera le tour du monde. La petite fille sera sauvée d’une mort quasi certaine par Nick Ut et un autre photographe anglais, Christopher Wain, qui filmera la scène. Ils feront en sorte qu’elle reçoive les soins nécessaires et survive, au prix de mille souffrances et de nombreuses opérations.

Elle devient l’emblème des souffrances de la guerre du Vietnam et sera utilisée à des fins politiques pour en dénoncer les horreurs. Plus tard, Kim Phuc elle-même sera utilisée à des fins de propagande, jusqu’à ce qu’elle demande asile au Canada en 1992. Ses cicatrices ne se sont pas effacées, Kim Phuc deviendra un modèle de résilience et son histoire sera connue dans le monde entier, via des interviews, des livres et son rôle d’ambassadrice de l’UNESCO.

44 ans plus tard, la photo de l’enfant nue en pleurs courant sur la route refait parler d’elle lorsque le géant Facebook empêche sa diffusion, la nudité des enfants étant prohibée sur le réseau social le plus puissant du moment. La photo disparaît sur chaque profil qui la publie, le compte d’un journaliste est fermé, la première ministre norvégienne est également censurée. L’affaire embrase le monde et oblige Facebook, accusé de réécrire l’histoire en empêchant la publication d’un témoignage, à revenir en arrière. Leurs algorithmes doivent encore progresser pour faire la différence entre une image d’archives devenue mythique et une photo indécente. Kim Phuc a encore une fois attiré l’attention du public mondial, j’espère que sa Fondation pour la Paix recevra une contribution de la part de Facebook!

Une photo peut-elle arrêter une guerre, comme certains le prétendirent à propos de la photo de Nick Ut? Hélas, je crains que non! Les images d’enfants souffrant de la guerre sont si nombreuses aujourd’hui, les atrocités touchant les plus démunis si fréquentes et documentées sans pour autant qu’elles n’influencent le cours des conflits. Dans 40 ans, quelles seront les images qu’on retiendra de cette époque troublée, de ce flot de réfugiés et des survivants d’Alep, pour ne citer qu’un des lieu d’horreur de 2016?

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Photo © Nick Nut – World Press photo of the Year 1973